"Supprimer le romantisme de la peinture" disait Victor Vasarely.
Les oeuvres de Victor Vasarely ornaient le dos de tous les 4x3 de ma ville, et la face de bien d'autres supports du paysage urbain. Et ce, dans bien d'autres villes aussi. A mes yeux, il représente en quelque sorte le premier "street-artist" officiel français.
Cet homme voulait supprimer le romantisme de sa peinture.
L'état français l'élit comme un des principaux détenteurs du monopole de la décoration urbaine des années 80.
J'en arrive à me demander si les oeuvres de cet artiste n'était pas l'illustration de cette déshumanisation de nos villes...
Puis le graffiti est arrivé. Le street-art irrévérencieux et illégal explose dans ces années-là.
J'ai grandi à cette époque avec un poster de Vasarely punaisé dans ma chambre d'adolescent et des bombes de peintures cachées dans mon sac à dos derrière la porte.
Nos images tracées dans la rue n'avaient rien d'artistique ni d'optique. Par contre ces sorties, ces coulures, elles, dégueulaient de romantisme.
Ces traits mal contrôlés tracés à la lueur des réverbères dans la brume de l'hiver.
Le romantisme, c'est l'émotion, et de l'émotion, on en avait à revendre.
C'était tremblant, c'était puéril mais ça donnait un autre point de vue sur la vie et sur la ville.
Donc aujourd'hui, bientôt 20 ans plus tard, j'observe, je m'interroge.
J'observe le street-art qui s'officialise.
J'observe le graffuturisme, ce mouvement dans le graffiti qui tend vers l'abstrait, le futurisme et l'art optique.
Je me demande si le graffuturisme est une version plus mature du graffiti?
Est-ce toujours du street-art ou simplement le renouveau de la peinture ?
Celui que nous appelions freestyle et qui est maintenant tracé entre deux bandes de scotch papier.
Je me demande si nous ne perdons pas aussi notre romantisme à réaliser ces travaux de commande ? Ceux qui nous payent et nous permettent de vivre.
Je me demande si le street-art, rattrapé par l'institution, ne rentre pas lui-même dans des cases, finalement comme chacune des couleurs d'un tableau de Victor Vasarely?
Comme une rue représentée en pixels sur google-map...
Je me demande si je suis dans le vrai ?
Si je suis vraiment ?
If I am really ?
Et si VASARELY se demanderait, aujourd'hui :
"WAS I REALLY ?"
* Période des Vega de Vasarely = un quadrillage qui semble poussé par derrière par une grosse boule.